dimanche 28 septembre 2008

L’année 2008 : un mauvais cru pour le secteur informatique


Les éditeurs de logiciels, les sociétés de services informatiques et les prestataires de services internet incluent souvent dans leurs contrats des clauses limitatives de responsabilité. L’objectif recherché est clair : réduire les conséquences financières du non-respect des engagements pris.
En ces temps de concurrence exacerbée entre les fournisseurs, la tentation est grande de s’engager sans avoir la certitude de tenir ses promesses.
Une clause limitative de responsabilité met-elle pour autant à l’abri le fournisseur téméraire ?
La jurisprudence répond très clairement par la négative.
Le tribunal peut en effet réputer non écrite une clause limitative de responsabilité, donc la priver de l’effet escompté.
Pour cela, il suffit qu’il qualifie le non-respect par le fournisseur de l’un de ses engagements contractuels comme un manquement à une obligation essentielle.
Une telle qualification produit ainsi des conséquences redoutables pour le fournisseur.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation l’a rappelé à la société Oracle par son arrêt rendu le 13 février 2007, désormais connu sous le nom du cocontractant : la société Faurécia.
Dans cette affaire, l’éditeur de logiciels n’avait pas respecté son engagement de livrer la version V12 de son progiciel en septembre 1999. Elle ne l’a pas fait plus tard non plus. La Chambre Commerciale a considéré que, en l’absence de cas de force majeure, le non-respect du calendrier de livraison par la société Oracle constituait un manquement à une obligation essentielle. Elle a donc refusé l’application de la clause limitative de responsabilité que l’éditeur entendait opposer à son client.
La décision de la Cour de Cassation ne peut qu’être approuvée. Elle rappelle que les finasseries contractuelles ont des limites et que les fournisseurs restent tenus par leurs engagements, peu importe les précautions prises par les rédacteurs des contrats.
Elle contribue ainsi à la moralisation de la vie des affaires.
Alors que le marché des éditeurs se concentre, leurs clients n’ont plus guère le choix de négocier les termes des contrats rédigés unilatéralement par des fournisseurs toujours plus puissants.
La portée de l’arrêt Faurécia est vaste : la règle établie par la Chambre Commerciale peut s’appliquer très fréquemment dans le domaine des services informatiques, notamment en présence d’engagements de délais, de performances ou d’intégration dans un système d’information préexistant.
Il reste toutefois nécessaire que le manquement du fournisseur porte sur une obligation qualifiée d’essentielle.
L’enjeu de cette qualification est donc particulièrement important.
Les clients seront donc bien avisés d’expliciter aussi souvent que possible le caractère essentiel de certains des engagements que prendront les fournisseurs.
Pour autant, que se passerait-il en l’absence d’une telle précaution ?
La grande généralité de la jurisprudence Faurécia permet de considérer qu’ils resteraient cependant protégés car seules obligations accessoires ont vocation à être couvertes par les clauses limitatives de responsabilité.
Cette analyse est confirmée par une seconde etimportante décision de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation, en date du 5 juin 2007 (arrêt Extand n°06-14.382 – destiné à la publication au Rapport annuel 2007). Là encore est posée la règle selon laquelle la clause limitative de responsabilité peut être écartée dès que le fait générateur de responsabilité consiste en un manquement à une obligation essentielle.
Le contrat perd ainsi en partie sa fonction de gestion des risques.
Les temps deviennent donc plus difficiles pour les sociétés de services informatiques, les éditeurs de logiciels et les prestataires de services internet.
Cette difficulté est accrue par la reconnaissance en droit français de la notion de « non-professionnel », posée notamment par la Cour de Cassation le 15 mars 2005.
Celle-ci ouvre la possibilité pour les personnes morales de bénéficier de la protection en matière de clauses abusives, dès lors qu’elles peuvent être qualifiées de « non-professionnel ». Une telle qualification se fonde l’appréciation du rapport direct entre l’objet du contrat et l’activité professionnelle du client.
En l’absence d’un tel rapport direct, une entreprise cliente peut donc bénéficier de l’élimination des clauses abusives réduisant l’engagement de son fournisseur.
La liste de celles-ci ne cesse de croître.
Ainsi, les récentess recommandations de la Commission des clauses abusives permettent notamment de demander l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet d’exonérer en toute hypothèse le professionnel de sa responsabilité en cas d’inexécution ou d’exécution tardive de son obligation de livraison.
La loi Chatel du 3 janvier 2008 renforce encore la protection des non-professionnels.
Sous les effets conjugués du législateur et surtout de la jurisprudence, l’année 2008 n’est donc pas placée sous les meilleurs hospices pour le secteur de l’informatique.