dimanche 13 septembre 2009

Le délit de banqueroute : une épée de Damoclès redoutable en période post-crise

Dans le très actuel climat de défiance à l’égard du libéralisme, le mouvement de dépénalisation de la vie des affaires est contrarié par la toute-puissance des juges. Les dirigeants d’entreprise commencent à l’apprendre à leurs dépens. C’est notamment en cas de faillite que s’exprime cette sévérité, à travers les sanctions du délit de banqueroute. Quelles personnes peuvent être visées ? Quels sont les éléments constitutifs de ce délit et quelles sont les peines encourues ?

Au fil des réformes, le champ d’application du délit de banqueroute a été étendu. Depuis le 15 février 2009, sont visés non seulement les commerçants mais aussi notamment toute personne exerçant une activité professionnelle indépendante et les dirigeants en droit ou en fait des personnes morales de droit privé.

En cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, le Code de commerce énumère cinq faits répréhensibles, chacun d’eux étant constitutif du délit de banqueroute (L.654-2).

En pratique, les tribunaux prononcent la culpabilité des dirigeants le plus souvent pour détournement d’actif (A) ou carence dans la comptabilité (B).

A) Détournement d’actif

De très nombreux faits sont qualifiés de détournement d’actif par les tribunaux.

Certains ont un caractère répréhensible évident. Il en est ainsi notamment de la rémunération excessive des dirigeants ou de la prise en charge par la société en redressement judiciaire des dépenses personnelles du dirigeant et de son épouse.

Il en va différemment lorsqu’il s’agit du détournement de clientèle. A partir de quel moment intervient-il ? De nombreux groupes ont des clients communs à plusieurs de leurs sociétés, qui ont souvent des activités imbriquées. Dès lors que l’une de ses sociétés est en difficulté, comment éviter que les clients communs reportent leurs commandes vers la structure jugée la plus pérenne ou la plus réactive ? Comment aussi peut-on attendre d’un dirigeant d’une société en difficulté qu’il laisse partir les clients à la concurrence plutôt que de les orienter vers une autre structure dans laquelle il aurait un intérêt ?

La situation des dirigeants est alors d’autant plus critique que l’intérêt de groupe ne peut être invoqué comme fait justificatif et que la qualification de banqueroute ne nécessite pas la recherche d’un intérêt personnel.

B) Carence dans la comptabilité

La loi pénale prévoit deux situations constitutives chacune du délit de banqueroute.

En premier lieu, il s’agit du fait d’avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables ou s'être abstenu de tenir toute comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation. Cependant, la jurisprudence assimile le retard dans la présentation des comptes à un tel fait.

En second lieu, il s’agit du fait d’avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales. Cette incrimination est délicate car elle repose non pas sur la mauvaise foi du dirigeant mais seulement sur le caractère « manifeste » du manquement ou de l’irrégularité. Cependant, ce caractère « manifeste » est laissé à l’appréciation du tribunal. Le dirigeant ne peut que s’en remettre au juge, devenu maître de l’incrimination.

En synthèse, il apparaît que c’est le jour de l’audience que le sort du dirigeant se joue.

Tout pronostic est délicat. La défense doit être d’autant plus soigneusement préparée que les sanctions encourues sont lourdes. Un emprisonnement de cinq ans peut être prononcé. S’il est souvent assorti d’un sursis, il est généralement accompagné par une sanction de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer. Pour le dirigeant d’entreprise, c’est une peine dramatique lorsqu’il n’a pas la faculté de trouver un poste de salarié. C’est souvent le cas lorsqu’il s’agit de seniors ayant dépassé l’âge de cinquante ans.

Michel PASOTTI - Avocat au Barreau de Paris – Docteur en Économie – Paris le 13 septembre 2009